« Relisez Marx », fustige la ministre Olivia Grégoire sous la force brute de centaines de militants « révolutionnaires ». Comme elle, de nombreux membres du gouvernement, ainsi que l’ancienne ministre de la Justice Rachida Dati (Les Républicains, LR), ont accepté de descendre sur l’arène incandescente des “amphithéâtres d’été” de La France insoumise (LFI), vendredi et samedi. dans la Drôme. L’engagement démontré de la volonté de débattre du côté de la majorité présidentielle et une vitrine pour la première opposition de gauche à l’Assemblée nationale, alors que 3 800 préinscriptions à ses universités d’été avaient été annoncées. Vendredi, un débat sur l’Union européenne a opposé l’eurodéputée Manon Aubry et le représentant du ministre des Transports, Clément Beaune. Dans la République, les échanges entre la ministre des Affaires étrangères en charge de l’économie solidaire, Marlène Schiappa, et le député Alexis Corbière, sont restés cordiaux, chacun évitant les accusations d’”ambiguïté dans l’antisémitisme” portées par la majorité présidentielle contre son ami Jean- Luc Mélenchon, qui doit conclure ces “amphithéâtres d’été” ce dimanche par un discours. Lire aussi : L’article est pour nos abonnés Super profits, niches fiscales : une partie de la majorité veut durcir le ton sur les entreprises
Un t-shirt “Taxer les riches” pour Rachida Dati
Avant les quelques chansons de fête, Alexis Corbière s’est adressé à la salle : « Vous avez en Marlène Schiappa une militante et une femme courageuse qui ne sera pas impressionnée par cela. “C’est très gentil de votre part de prendre ma défense, mais vous êtes là et moi aussi, je ne crains rien, personne”, a répondu le ministre.
Très attendue, l’ancienne garde des sceaux Rachida Dati, figure de Sarkozie connue pour sa candeur, a rempli la salle du Palais des Congrès de Châtauneuf-sur-Isère. Lors de sa promenade sur les quais, l’escrimeuse s’est vue remettre un T-shirt “Taxer les riches” par l’eurodéputée Manon Aubry. Son débat avec le député de La France insoumise du Nord Ugo Bernalicis sur la justice a donné lieu à des échanges encore plus électriques, les deux protagonistes répondant à la place des tatouages.
Très attendue dans les “amphithéâtres d’été” de Valence (Drôme), l’ancienne garde des sceaux Rachida Dati, figure sarkozienne réputée pour son honnêteté, s’est vu offrir un t-shirt “Taxer les riches” par l’eurodéputée Manon Aubry. JULIEN MUGUET POUR LE MONDE
« On n’a jamais cessé d’augmenter l’échelle des peines sous la Ve République, déplore le député LFI du Nord, alors que cela n’a jamais été associé à une baisse de la délinquance. “Mais je n’ai jamais été favorable à l’augmentation des peines”, s’est exclamée Rachida Dati. “Vous allez me faire regretter le Conseil de Paris”, portée par son bras de fer contre Ann Hidalgo, a ajouté l’ancienne candidate à la mairie de la capitale face aux huées.
Ugo Bernalicis a demandé de doubler le nombre de juges pour un accès optimal à la justice. “Pour vous, vous devez aller tout le temps chez le juge” a demandé Mme Dati avec surprise. Et d’ajouter, pour le plaisir : [Le débat]bien commencé, Hugo. »
Une explosion de désapprobation par minute pour Olivia Grégoire
Un débat a été encore plus explosif. Samedi matin, l’adversaire le plus coriace de la représentante du ministre des Médias, Olivia Grégoire, ne serait pas le député Adrien Quatennens mais la salle, avec une moyenne de désapprobations par minute. « Comment expliquez-vous la réaction de vos supporters ? », lance, faussement honnêtement, l’animateur de la discussion à Adrien Quatennens. “Ils sont bien entraînés, c’est tout”, répond le bras droit de Jean-Luc Mélenchon avec un sourire carnassier.
Valence (Drôme) 27 août 2022 – Après son entretien avec le député LFI Adrien Quatennens, la porte-parole du ministre pour les médias, Olivia Gregoire, s’entretient avec d’autres participants. JULIEN MUGUET POUR LE MONDE
Olivia Grégoire n’a pas réglé son cas avec les militants, déclarant malicieusement : “Ce qui m’intéresse, ce n’est pas tant une éducation à l’idéologie politique mais la réalité des faits…” “Nous sommes le pays qui, en Europe, a de loin l’inflation la plus faible, 6% contre une moyenne de 9… Il n’y a aucune possibilité, c’est le fruit de la politique », a-t-il plaidé devant un public plus que sceptique.
Au-delà du spectacle, il y a eu une discussion substantielle sur la politique de l’offre du gouvernement, dans laquelle le LFI s’oppose à une politique de la demande basée sur l’augmentation du salaire minimum, le gel des prix et la taxation des « surprofits ». Olivia Grégoire se plaît à faire la leçon aux « révolutionnaires » sur une de leurs figures idéologiques : « Relisez Marx ! Il dit que la meilleure façon d’augmenter les salaires est de créer des emplois. »
“C’est énorme! s’exclame une militante, mi-déçue mi-admirative. “Augmentation de salaire! crie un autre. “Tous les ministres n’auraient pas accepté de venir, il faut une certaine foi”, a salué Adrian Quatenens.
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Le monde avec l’AFP