Ce refus d’aller en classe ne doit pas être pris à la légère. En France, un élève sur cinq est anxieux face à l’école (document PDF) et la “phobie scolaire” touche environ 1 à 2% des enfants en âge scolaire, ce qui représente 5% des consultations en pédopsychiatrie, selon les données recueillies par Laelia Benoit, pédopsychiatre et chercheur à l’université de Yale (États-Unis). Avec la crise du Covid-19, le phénomène a pris de l’ampleur. L’Association Phobie Scolaire (APS) voit ses effectifs croître de façon alarmante depuis 2019. « Nous avons accueilli 150 personnes par semaine depuis la fin du deuxième confinement jusqu’à maintenant », observe Odile Mandagaran, sa présidente. Comment faire face au problème si votre enfant est dans cette situation ? Franceinfo a posé la question à plusieurs experts.

Qu’est-ce que la phobie scolaire ?

En psychiatrie, la phobie scolaire se traduit par un “refus scolaire anxieux”. Ce concept fait référence aux “enfants qui pour des raisons irrationnelles refusent d’aller à l’école et résistent avec de très fortes réactions d’anxiété ou de panique quand on essaie de les pousser”, comme défini par le neuropsychiatre Julian de Ajuriaguerra en 1974. Le plus souvent, ce trouble recouvre ” nombreuses manifestations comme l’anxiété, l’arrivée tardive en classe et l’absentéisme partiel ou total », ajoutent Laelia Benoit et Marie Rose Moro, pédopsychiatres à La maison de Solenn, à Paris, et co-auteurs de Phobie scolaire, Retrouver le plaisir d’apprendre ( éd. Vigot, 2020), avec Aurélie Harf. Cependant, il est important de différencier la phobie scolaire de l’anxiété, qui est beaucoup plus fréquente. Ce dernier concerne les jeunes qui sont “stressés avant la rentrée ou par l’événement d’un changement de classe”, explique Laelia Benoit. “Ces comportements sont fréquents et ne provoquent pas d’inconfort permanent chez l’enfant, rassure le pédopsychiatre. Deux ou trois semaines après le début de l’année scolaire, ces élèves ne sont plus stressés.” Avec sa collègue Marie Rose Moro, ils ont constaté que le milieu socioculturel des enfants était déterminant pour poser un bon diagnostic. “On parle beaucoup plus de phobie scolaire à Paris qu’en Seine-Saint-Denis, où les mots échec scolaire et décrochage scolaire apparaissent plus souvent”, explique Marie Rose Moro, en référence à une étude menée par Laelia Benoit. dans les deux territoires. Il désapprouve ce format “deux strophes, deux mètres”. “Quand un bon élève ne va pas à l’école, on parle tout de suite de phobie scolaire, alors que quand c’est un mauvais élève, on ne va pas.” Marie Rose Moro, pédopsychiatre chez franceinfo

Quelles sont les causes de la phobie scolaire ?

Ils sont multiples et dépendent de l’âge de l’enfant. “La phobie scolaire, c’est très compliqué, explique Marie Rose Moro. Soit l’enfant n’arrive pas à penser à sortir de chez lui – ce qui s’est passé après le Covid par exemple -, soit il est fragile, déprimé, anxieux ou inquiet de ce qui se passe à la maison.” Selon les experts, la cause la plus fréquente est le harcèlement scolaire. La moitié des élèves souffrant de phobie scolaire ont été victimes de harcèlement ou de violence à l’école, selon une étude en cours auprès de 2 000 parents d’élèves menée par Laelia Benoit. Au primaire et au collège, certains troubles peuvent également compliquer la vie scolaire. C’est le cas des difficultés d’apprentissage, dites “dys” (dyslexiques, dyspraxiques, etc.), des troubles du spectre autistique ou des troubles de l’attention, avec ou sans hyperactivité. Cela ne signifie pas qu’un enfant exposé à ces troubles développera nécessairement une phobie scolaire. Mais ces jeunes “sont inadaptés, à risque d’être mis à l’écart par d’autres enfants, d’être harcelés” ou de mal réussir à l’école, rapporte Laelia Benoit. Enfin, l’anxiété liée aux résultats et à la performance, plus présente chez les lycéens, peut aussi mener à la phobie scolaire. “Dans ce cas, on peut proposer d’arrêter un moment l’évaluation de l’adolescent”, recommande Marie Rose Moro. “L’école française est axée sur la performance et peut être très punitive dans sa façon de faire les choses.” Marie Rose Moro, pédopsychiatre chez franceinfo

Que faire pour le prévenir ?

La rentrée en septembre est synonyme de changement. Aux enfants anxieux, Marie-Christine Combes Miakinen, Ile-de-France, rapport de l’association Phobie Scolaire, conseille de préparer la rentrée en famille, d’acheter ensemble les fournitures scolaires. En tant que parents, vous devez “essayer de contenir votre propre stress pour ne pas en rajouter”. Laelia Benoit recommande même d’organiser une sorte de “répétition générale”. Comprenez : mettez une alarme, prenez votre petit-déjeuner, préparez votre sac d’école, allez à l’école avec vos parents ou vos frères et sœurs. Ensuite, l’enfant peut faire une activité familiale amusante. Autre conseil donné par le pédopsychiatre : coordonnez-vous avec vos amis et présentez-vous devant le magasin une demi-heure avant le début du cours. Parents d’élèves et enfants peuvent ainsi échanger sur leurs vacances et prendre le temps de « réapprendre ». Une manière de « faire de l’école un lieu plus chaleureux où il fait bon se rencontrer et s’écouter », souligne Laelia Benoit.

Quels sont les signes avant-coureurs ?

Avant qu’il n’arrive à la phobie scolaire, les parents (ou les enseignants) peuvent repérer des signes de stress, comme être en retard en classe, absentéisme, visites fréquentes chez le médecin, ou maux de tête ou d’estomac. “Surtout chez les plus petits, souligne Laelia Benoit, qui ont du mal à dire qu’ils ont peur ou qu’ils sont anxieux.” Il est important de surveiller la fréquence de ces symptômes. En cas de phobie scolaire, elles se répètent le dimanche soir, le lundi matin ou à la fin des vacances scolaires, quelques jours avant la rentrée. Généralement, des pics sont observés après la Toussaint et les vacances de Noël.

Que faire si votre enfant refuse d’aller à l’école ?

La première chose à faire est de prendre rendez-vous avec votre médecin généraliste pour vérifier qu’il n’y a pas de problème de santé (problème de vision, anémie…). Les parents peuvent également demander un rendez-vous avec l’enseignant et une évaluation avec un orthophoniste. Une fois ces pièces bloquées, Laelia Benoit recommande également de parler avec l’enfant, “même de faire des suggestions, car il n’a peut-être pas compris” d’où vient le problème. En cas d’absences répétées ou d’incapacité de l’élève à se rendre à l’école, Marie-Christine Combes Miakinen recommande de couvrir ces absences par des certificats médicaux. Et pour éviter de forcer à tout prix. “C’est comme le burn-out au travail. On ne va pas faire venir l’adulte au comité de direction tous les lundis.” Marie-Christine Combes Miakinen, de l’Association Phobie Scolaire chez franceinfo Il faut aussi créer “un triangle entre le pôle de l’éducation, le pôle de la santé et le pôle de la famille, avec l’enfant au milieu”, prône le rapport de l’APS.. Et si les parents estiment que le dialogue avec l’école est difficile, il leur conseille « d’aller parler à l’équipe éducative accompagnés d’un parent choisi de l’élève. Il faut aussi identifier qui est l’allié, la personne avec qui le courant passe le mieux.”

Comment et auprès de qui obtenez-vous de l’aide?

Dans un premier temps, les parents peuvent utiliser de la littérature pour enfants ou des dessins animés et des films d’animation. Il existe également des clubs qui permettent l’orientation en fonction du problème rencontré par leur enfant. Si des angoisses ou des phobies s’installent, n’hésitez pas à consulter un pédopsychiatre connaissant bien la question ou un professionnel qui propose des thérapies comportementales comme la sophologie, la méditation, l’art-thérapie… Tout ce qui peut aider l’enfant à mieux reconnaître ses sentiments et à s’exprimer eux. Cependant, il peut être difficile d’obtenir une consultation avec indemnisation de la Sécurité Sociale ou du secteur public. Dans les centres médico-psychologiques (CMP), le délai minimum de carence est de six mois, selon un rapport du Sénat publié en janvier 2020. En secteur libéral, sur prescription du médecin traitant, des séances avec un psychologue, répertorié dans le programme Monpsy, peuvent remboursés, dans la limite de huit par an. Mais tous les pratiquants ne se sont pas conformés à ce système. Trouver un pédopsychiatre peut aussi être compliqué, avec 14 départements qui en manquent, selon le rapport du Sénat. Et du côté des parents, le besoin de soutien se fait sentir. “Pour protéger la cellule familiale, le mieux est de se faire aider” en se conseillant ou en contactant une association, insiste la présidente de l’APS Odile Mandagaran. “La phobie scolaire est un véritable tsunami qui emporte toute la famille. Du jour au lendemain, tout s’effondre. Les parents se sentent jugés, culpabilisés.” Odile Mandagaran, présidente de l’association Phobie Scolaire chez franceinfo

Quelles sont les alternatives possibles si votre enfant ne veut plus aller à l’école ?

Pour trouver la solution la plus adaptée, il faut voir “l’enfant avant…