Posté à 5h00
Marc Thibodeau La Presse
Une nouvelle loi entrée en vigueur jeudi en réponse à la décision de la Cour suprême des États-Unis qui a annulé Roe v. Wade augmente la peine pour avoir insulté les pratiquants à un niveau inhabituel. Elizabeth Nash, une analyste du Guttmacher Institute qui étudie les lois sur l’accès à l’avortement dans le pays, note que la plupart des États qui interdisent actuellement l’interruption de grossesse sont passibles d’une peine de prison maximale de 10 ans ou moins. « Une condamnation à perpétuité est complètement disproportionnée pour les professionnels de la santé. Et c’est effrayant pour eux”, dit-il. La menace d’incarcération est telle que même une Texane qui respecte les exemptions prévues par la loi aura du mal à se faire avorter dans l’État, note Mme Nash. Les médecins, souligne-t-il, voudront se protéger d’éventuelles poursuites pénales, et les hôpitaux dans lesquels ils exercent risquent de s’opposer à une telle intervention de peur d’engager leur propre responsabilité. Seuls les Texans dont la vie est en danger en raison d’une grossesse sont autorisés à avorter en vertu de la nouvelle loi, qui n’exempte pas les agressions sexuelles.
« Criminalisation des décisions médicales »
La loi prévoit également une pénalité de 100 000 $ pour le médecin fautif, ce qui constitue une menace supplémentaire à laquelle il faut s’attaquer. Dans un avis envoyé à ses membres en juin après le renversement de Roe c. Wade, Texas District and District Attorneys Association a noté que cette double peine semble incompatible avec les dispositions de la Constitution. Ensuite, une demi-douzaine de procureurs généraux du Texas ont signé une déclaration conjointe avec des collègues de plusieurs autres États condamnant la “criminalisation des décisions médicales personnelles”. Ils avaient souligné du même souffle qu’ils refuseraient d’utiliser les moyens mis à leur disposition pour tenter de faire condamner les médecins qui pratiquent des avortements sur leur territoire. Les élus du Texas ont répondu qu’ils essaieraient de modifier la loi actuelle afin que les procureurs de district des comtés voisins puissent poursuivre à la place du délit.
Pas de procès contre les femmes… pour le moment
Tout en durcissant les peines pour les médecins qui pratiquent des avortements, la nouvelle loi du Texas avertit expressément qu’il est impossible de poursuivre les femmes qui pratiquent l’intervention. Mme Nash note que les élus républicains, qui multiplient les lois restrictives sur l’avortement depuis plusieurs années, hésitent à s’engager dans cette voie, sachant que cela risquerait un tollé majeur. Des poursuites contre les femmes sont probables, prévient-elle, alors que de plus en plus d’États interventionnistes tentent de légiférer pour les empêcher de se faire avorter dans un État voisin ou d’accéder à des médicaments sur Internet. Les organisations texanes qui fournissent une aide financière aux femmes défavorisées pour obtenir des avortements en dehors de l’État ont complètement cessé leurs services par crainte de poursuites.
Tennessee et Idaho
Dans un communiqué publié cette semaine, la présidente du Center for Reproductive Rights, Nancy Northup, s’est dite préoccupée par l’entrée en vigueur de la nouvelle loi du Texas, qui intervient en même temps que de nouvelles restrictions dans le Tennessee et l’Idaho. “De vastes pans du pays, en particulier dans le sud et le Midwest, sont désormais des déserts d’avortement dont de nombreuses femmes ne pourront pas s’échapper”, a-t-il déclaré. Elizabeth Nash souligne que 11 États américains, comprenant plus de 20 % de femmes en âge de procréer, ont totalement interdit l’avortement dans leur État depuis la décision de la Cour suprême en juin. Ce nombre, prévient-il, continuera d’augmenter alors que plusieurs autres projets de loi dans ce sens devraient entrer en vigueur dans les mois à venir. À terme, près de la moitié des États de la nation adopteront de telles restrictions, prédit l’analyste.