franceinfo : La majorité des femmes victimes de fémicides en 2021 avaient signalé avoir subi des violences conjugales à la police. Quelle est votre réaction ? Anne-Cécile Mailfert : Ce qui est certain, c’est qu’il n’est pas vrai que les femmes ne parlent pas. Mais aujourd’hui la société ne les écoute toujours pas assez et surtout ne réagit pas assez lorsqu’elle se rend compte que ces femmes sont victimes de violences. Parce que même lorsqu’ils vont le signaler à la police, il faut parfois suffisamment de rapports pour lancer une enquête. Et la différence entre 2020 et 2021, avec 20% de féminicides en plus, nous rapporte directement au fait que la police et la justice se sont concentrées sur cette question en 2020, avec le Covid et les incarcérations. Et puis on a vu un assouplissement en 2021, avec l’arrivée d’autres priorités, comme les rodéos urbains, qui sont venus embouteiller le travail des enquêteurs et de la justice. Alors qu’en 2020, on parlait vraiment beaucoup de violences conjugales, ce qui était très bénéfique puisqu’on avait constaté une baisse des féminicides. Le travail qui doit peut-être être fait est d’évaluer le risque que courent ces femmes lorsqu’elles viennent se présenter? Ce n’est pas forcément toujours facile, mais il y a quelques bases. Par exemple, il faut toujours poser la question : Cette personne a-t-elle une arme à feu ?, car on sait que c’est l’arme la plus souvent utilisée dans les cas de fémicide. C’est déjà un premier élément décisif, qui permet de réagir immédiatement. Les plaintes des femmes doivent être prises très au sérieux. Quand on parle d’une femme en danger de mort, ça peut aller très, très vite. “La plupart des féminicides sont commis trois semaines après la rupture. Au moment où la femme va porter plainte, c’est à ce moment-là qu’elle a besoin d’être protégée immédiatement.” Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes chez franceinfo Isabelle Rome, porte-parole de la ministre de l’Egalité entre les femmes et les hommes, parle de chiffres “effroyables” malgré les médias lâchés. Reconnaissez-vous l’effort financier de l’Etat ? Compte tenu du problème dont nous parlons, il y a vraiment très peu de choses qui circulent financièrement. En revanche, il est certain qu’il y a une mobilisation de la société dans son ensemble et de l’Etat. On a vu les professionnels du secteur public se mobiliser beaucoup plus, les syndicats ont redoublé d’efforts, notamment pendant le confinement. En revanche, on assiste toujours à un assouplissement. “On entend le petit Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, parler de ce dossier. Ni le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, et ça se ressent sur le terrain.” Anne-Cécile Mailfert chez franceinfo Et quand on sait que depuis que je l’ai, il y a 66% de femmes en plus qui portent plainte, 66% d’enquêteurs en plus auraient dû être embauchés.