Publié à 18h11
                Jocelyne RicherLa Presse Canadienne             

Dans une longue entrevue avec La Presse canadienne vendredi, à la suite de sa décision annoncée plus tôt cette semaine de se retirer à contrecœur de la prochaine élection, la députée CAQ Marie-Eve Proulx s’est vidée. L’ancien ministre du Développement économique régional et député sortant de la Côte-du-Sud, visé depuis plus d’un an par des allégations de harcèlement psychologique, dit être une triple victime. Elle se présente comme une victime de ces ex-employés déterminés, selon elle, à vouloir lui faire du mal alors qu’elle n’a rien à se reprocher. Victime aussi d’un système qui fait en sorte que, même blanchis, les administrateurs se retrouveront les mains vides, la réputation en lambeaux, sans emploi, sans protection, sans recours ni indemnité. Victime, enfin, en tant qu’homme politique, du double standard qui rend les fonctionnaires de cabinet bien plus exigeants que leur supérieur s’il s’agit d’une femme. Et plus vite que rien ne se passe. Elle a pris la décision de quitter la politique “par respect” pour elle. “C’est la première fois que je me choisis vraiment”, a déclaré la députée, qui se décrit comme une “bonne personne”, résistante et forte, qui ne veut “faire de mal à personne”. Dernièrement, elle a senti que son moral commençait à se saper et elle a choisi de garder sa santé mentale. “Je ne voyais pas comment je pourrais m’en sortir”, avec cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de ma tête pendant toute la campagne électorale, a déclaré cette mère de trois garçons. Il avait très peur que la situation « dégénère » et préférait éviter le « tribunal populaire ». Avant que des allégations de harcèlement psychologique ne provoquent sa chute, Marie-Eve Proulx était députée et ministre, engagée dans ce qu’elle voulait être une très longue carrière politique au service du Québec. Mais en mai 2021, à cause de ces allégations, elle perd son poste de ministre et dans un mois, à la fin du mandat en cours, elle sera au chômage, se demandant quel sera son avenir. À plusieurs reprises au cours de l’entretien, elle insiste sur le fait que son casier est vierge, que les deux plaintes portées contre elle par deux anciens salariés et déposées à l’Assemblée nationale ont été jugées non fondées, “après une longue et difficile enquête”. « Il y avait un comportement implacable. Il y a eu des calomnies à propos de mon cas. Il y a eu un règlement de comptes, “de la part de ces anciens salariés, un homme et une femme, qui, selon elle, n’ont pas respecté les accords de confidentialité qu’ils ont conclus en s’en prenant à leur ancien patron dans les médias, sous couvert d’anonymat”. , contribuant à la perception, dans les médias et le public, que le nom de Marie-Eve Proulx était synonyme de harcèlement au travail. Pourquoi un tel comportement implacable ? Elle explique que ce sont des gens qui au départ, en 2018, n’auraient pas dû être embauchés, sans avoir le profil pour travailler en politique, ni les compétences requises. Sa version des faits : ils se sont fait virer, n’ont pas accepté et ont décidé de se venger. Des plaintes ont été déposées auprès de l’Assemblée nationale et du Tribunal administratif du travail (TAT). Une première affaire a été réglée à l’amiable. Dans l’autre cas, le demandeur a été réintégré dans la charge et le dossier est à l’étude au TAT. Fatiguée de devoir se défendre encore et encore, elle dit qu’elle “envisage” de riposter en intentant des poursuites en diffamation contre ceux qui ont provoqué la fin précipitée de sa carrière politique.

Les politiciens seuls

Elle est en colère contre les protocoles mis en place, à l’Assemblée nationale ou ailleurs, pour le traitement des plaintes de harcèlement, qui ne font rien pour réparer le préjudice subi par un élu qui sera innocenté à l’issue du processus. J’ai perdu mon emploi de ministre, je ne me représenterai pas, je me choisis pour ma santé mentale. Nous ne sommes pas remboursés, il n’y a rien qui le sera, même si j’ai deux enquêtes à mon actif qui (révéler les allégations) sont sans fondement. Marie-Ève ​​Proulx, membre CAQ “On laisse à eux-mêmes des managers disparus et des politiciens disparus, dans des situations où ils nous accusent à tort”, plaide le député, inquiet du vide juridique en la matière. Il est d’avis qu’au Québec on assiste à un retour du balancier, particulièrement dans la sphère politique, qui favorise les travailleurs, prêts à porter plainte pour harcèlement, pour un oui ou un non. Selon elle, nous sommes passés d’un extrême à l’autre, “d’un spectre à l’autre”.

Les femmes sont plus vulnérables

Les femmes politiques sont, selon lui, plus susceptibles de faire l’objet de telles plaintes. Traditionnellement, le pouvoir est incarné par les hommes, qui peuvent se permettre des écarts de langage ou des comportements répréhensibles, sans que cela ne soit remis en cause par leur entourage. Aujourd’hui encore, les responsables du cabinet ont “plus peur” des hommes au pouvoir, selon elle. Leur colère est acceptée, leurs décisions respectées. Mais une femme ministre, “on peut se permettre de la défier”, plaide Mme Proulx, qui dit avoir beaucoup d’empathie et de compassion pour la députée Marie Montpetit, qui a été expulsée du caucus libéral, également après des allégations de harcèlement psychologique. Dans son cas, il n’y a jamais eu de plainte officielle. Malgré les déboires, Mme Proulx assure qu’elle “rebondira” bientôt, même si elle dit n’avoir aucune idée de ce que l’avenir lui réserve. “Je veux continuer à contribuer”, confie l’ancienne assistante sociale. “J’ai ce pouvoir. J’ai cette résilience qui m’habite”, assure-t-elle, qui refuse d’être affectée par ses déboires.