Erreurs impensables selon les pilotes

Selon les sources, Air France a détecté deux échecs de démarrage d’un moteur avant le décollage, survenus en février. L’une a eu lieu sur un Airbus A321 et a été rectifiée par l’équipage avant de s’aligner sur la piste, mais l’autre sur l’A350 n’a été détectée qu’au moment de la poussée avant le décollage d’un vol qui devait relier Paris à Tel Aviv . Si rouler en roue libre sur un moteur est une procédure normale pour économiser du carburant, oublier cette situation et ne pas prévoir de démarrer le deuxième moteur apparaît comme une erreur impensable pour de nombreux experts en la matière, notamment les pilotes, qui se demandent comment cela s’intègre dans les check-lists censées pour éviter ce genre d’oubli. Confirmant l’information à La Tribune, Air France a indiqué avoir ouvert une enquête interne – en cours – sur les circonstances qui ont conduit à la séquence sur l’A350. L’entreprise précise également avoir transmis ces informations au BEA qui n’a pas jugé nécessaire d’ouvrir une enquête. Enfin, la compagnie précise que, « sans attendre les résultats des investigations, le service Opérations Aéronautiques de la compagnie a pris des mesures conservatoires en suspendant cette procédure dans toutes ses flottes, le temps d’effectuer les procédures de rappel de roulage monomoteur (et séquences de démarrage associées) pour les équipages exploitant l’Airbus A350 ». En avril, la chute de l’AF011 a également fait sensation, les communications entre la tour de contrôle et l’avion étant diffusées sur Internet. Si cette procédure est parfaitement normale et même nécessaire à la sécurité du vol en cas d’approche non stabilisée, ce cas particulier s’est caractérisé par sa mauvaise exécution par l’équipage.

Les pilotes se heurtent

Plus récemment, un événement inédit au sein d’Air France et ailleurs s’est produit à bord avec une dispute entre les deux pilotes sur un Airbus A320 entre Genève et Paris en juin dernier. Selon nos informations, il y a eu une bagarre musculaire dans le cockpit entre le commandant de bord et le copilote, lors de la phase de montée après le décollage après que le copilote ait refusé de suivre une consigne. Après un coup accidentel selon la version de l’un des deux pilotes, ou une gifle selon celle de son collègue, les deux hommes se sont saisis par le col tout en restant dans le cockpit, avant que l’un des pilotes ne jette le badge en bois ( une sorte de mallette) sur le visage de l’autre. Alerté par le bruit, l’équipage commercial est entré dans le cockpit dès que le volume a baissé. Pour éviter une reprise des hostilités, un membre du personnel de cabine passe la fin du vol assis derrière les pilotes et rédige un rapport. Air France confirme la “polémique” avec échange de “gestes inappropriés”. La compagnie assure cependant que “l’incident s’est terminé rapidement sans affecter ni le déroulement ni la sécurité du vol qui s’est poursuivi normalement”. Il précise que les pilotes concernés ont jusqu’à présent cessé de voler et attendent une décision de la direction. Cela déterminera le résultat et le traitement possible donné à l’événement. S’il n’est pas encore possible de dire si cette polémique trouve ses origines dans des raisons professionnelles ou personnelles, elle se superpose aux autres événements déjà recensés – et sans doute à un certain nombre d’autres qui sont passés inaperçus.

L’ABE s’implique

C’est aussi le sens du rapport du BEA. Suite à un rapport d’enquête mettant en évidence un non-respect volontaire de procédure par un équipage lors d’un déversement de carburant, l’organisme a pointé plusieurs autres cas similaires ces dernières années. Il a donc profité de ce rapport pour dénoncer “une répétition des enquêtes sur les événements d’Air France récemment menées par le BEA, qui montrent une adaptation des procédures voire une violation délibérée de celles-ci conduisant à une réduction des marges de sécurité”. De même, il a formulé des recommandations allant au-delà du seul déversement de carburant pour “faire évoluer la culture de sécurité vers une application plus stricte des procédures en vol” chez Air France. Une prise de position extrêmement ferme face à la compagnie qui en a surpris plus d’un, à commencer par Guillaume Schmid, vice-président du bureau Air France – Transavia du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) : « dans un reportage, on parle de l’incident en question , on essaie d’en comprendre les tenants et les aboutissants. Mais à partir de là pour tirer des conclusions sur la culture sécurité de l’entreprise ou sur certaines pratiques, il faut aller un peu trop vite. De son côté, Air France précise qu’« elle prendra bien entendu en compte toutes les recommandations du rapport. Comme de nombreux autres éléments, ces recommandations alimenteront l’amélioration continue de l’approche de la compagnie en matière de sécurité des vols. Sans attendre la publication officielle de ce rapport et après des discussions déjà entamées avec le BEA, certaines recommandations ont déjà été mises en œuvre. Un LOSA (Line Oriented Safety Audit) doit également être réalisé pour l’ensemble de l’entreprise d’ici la fin de l’année.

Pas plus d’événements qu’avant la crise

Interrogée sur l’aspect récurrent des événements, Air France rapporte qu’il n’y a pas eu d’augmentation du nombre d’événements avec la reprise d’activité par rapport aux schémas connus avant la crise sanitaire. Sur le terrain, Guillaume Schmid estime ne pas avoir vu un nombre d’incidents supérieur à la normale. Selon des experts avertis de la sécurité des vols, le nombre d’incidents signalés s’explique également par le fait que les pilotes d’Air France sont ceux qui rapportent le plus de données liées à la sécurité dans le cadre de la « fair culture ». Celle-ci précise notamment qu’un embarquement volontaire d’un équipage contribue à l’amélioration globale de la sécurité et ne doit pas entraîner de sanctions en cas d’erreur, sauf en cas de violation délibérée de la procédure pour des raisons personnelles et non au profit de l’entreprise et de ses passagers. Certains craignent également que les recommandations du BEA obligeant Air France à « identifier et gérer les écarts individuels aux procédures en vol » ne nuisent à cette culture équitable en limitant les reports volontaires et donc la sécurité globale de la compagnie. Ils soutiennent également que la mise en place de procédures doit rester un moyen d’améliorer la fiabilité des opérations et non une fin en soi.

Un incident de nature douteuse

Cependant, nombre de ces initiés expriment leur peur face à ces événements, notamment en raison de leur nature. Parmi les pistes de réflexion évoquées, l’impact de la crise sanitaire est bien présent. Toutes les personnes interrogées confirment qu’une activité très faible, avec peu d’équipes présentes sur place, suivie d’une augmentation très rapide des vols, a joué un rôle très important. Cependant, certains d’entre eux se demandent si cet enjeu a été suffisamment pris en compte par la direction, si les risques ont été correctement évalués et si tous les moyens nécessaires ont été mis en place pour assurer le bon déroulement de l’itération. Cela ne se joue pas seulement dans le cockpit, mais dans tous les rouages ​​de l’entreprise. Cela nécessitait une énorme quantité de travail, tandis qu’une faible activité sapait le niveau de préparation et d’automatisation. Sans compter que l’entreprise a perdu 16 % de ses effectifs pendant la crise, notamment dans des activités comme la maintenance. Cependant, Air France a réussi à faire voler tous ses pilotes pendant la crise, en maintenant un niveau d’activité supérieur au minimum requis par la réglementation. Il met également en avant le fait qu’il a relancé le recrutement de pilotes à partir d’avril 2021, visant à atteindre 700 recrutements d’ici fin 2022. Cela lui a également permis de sécuriser son programme de vols cet été, là où certains de ses concurrents ont dû couper. retour. Et là, Guillaume Schmid semble indiquer que les choses ont été bien faites par l’entreprise : « Pendant le Covid, on a su se protéger. Aujourd’hui, on nous donne encore pour instruction d’éviter la sur-optimisation. Pour moi, il n’y avait pas de problème pendant Covid et…