Posté à 5h00
                Julien Arsenault La Presse             
                Hugo Joncas La Presse             

En plus de renseignements personnels, comme des copies de passeports et de visas de résidence, La Presse a pu consulter des dossiers qui lèvent le voile sur les orientations – dont certaines sont très récentes – du fabricant de Ski-Doo, Sea-Doo et Can-Am. Certains d’entre eux contiennent beaucoup de détails sur les procédures de sélection du fournisseur d’une batterie, élément clé d’un véhicule électrique. Une présentation de février dernier comprend des prix offerts par des partenaires potentiels, des données sur les besoins de BRP et des réductions de coûts potentielles au fil du temps en fonction des volumes commandés. “La batterie est la partie la plus chère du véhicule [et l’entreprise] représente la meilleure option pour tous les scénarios avec un prix inférieur au prix estimé », peut-on lire, pour le fournisseur cible, dans le document dont La Presse a pu prendre connaissance. En date de jeudi après-midi, l’entreprise nommée dans la présentation n’avait pas répondu aux questions de La Presse. Dans la dernière mise à jour sur la cyberattaque de mercredi, la multinationale québécoise basée à Valcourt a déclaré que les fuites concernant ses fournisseurs étaient limitées en “quantité et sensibilité”. Cependant, la cyberattaque a permis la diffusion d’informations qui pourraient s’avérer utiles aux concurrents. Les implications sont « importantes », selon Yan Cimon, professeur au département de gestion de l’Université Laval, même s’il s’attend à ce que BRP « surmonte la tempête ». « Divulguer les prix, les marges, les volumes estimés, ça peut être un défi pour l’entreprise, dit-il. Les concurrents auront une meilleure idée de la structure des coûts et sauront se positionner. Parmi les fournisseurs, s’il existe des offres intéressantes par rapport aux moyennes de l’industrie, cela donnera un pouvoir de négociation aux concurrents qui tenteront d’extraire des économies de ces mêmes fournisseurs. » PHOTO PAR GRAHAM HUGHES, ARCHIVES DE LA PRESSE CANADIENNE L’usine de Valcourt fait partie des sites temporairement fermés en raison de la cyberattaque. Une poignée des dizaines de milliers de fichiers des opérateurs de ransomware RansomExx en disent plus sur la relation commerciale entre BRP et son fournisseur de batteries. Par exemple, un fichier répertorie les montants d’achat possibles, les conditions d’ajustement des prix des matières premières et la devise utilisée pour effectuer les paiements. “Ce sont des informations qui vous désavantagent sur le plan concurrentiel”, a déclaré Mark Warner, un expert en droit commercial. S’il y a des informations récentes (stratégies, prix), c’est important. »

Noms “stratégiques”

Dans les autres dossiers analysés par La Presse, un document volé intitulé “Achats stratégiques” présente une liste de 307 fournisseurs majeurs, ainsi que la valeur en dollars des biens qu’ils ont achetés pour BRP. Les ventes totales déclarées dépassent les deux milliards. Ces fournisseurs comprennent de nombreuses entreprises québécoises, dont plusieurs manufacturiers de pièces de plastique pour véhicules BRP, comme Soucy International. Jointe par La Presse, l’entreprise de Drummondville a confirmé avoir été prévenue que son nom figurait sur des dossiers volés. “Nous avons reçu une lettre générale”, a déclaré la porte-parole de Soucy International, Joanie Mailhot. Nous n’avons aucune idée de la nature des informations diffusées. » On a également trouvé dans les dossiers volés une présentation de plusieurs dizaines de pages sur une proposition de trajectoire visant à moderniser et standardiser les méthodes d’approvisionnement à travers la multinationale. Certains des objectifs sont prévisibles : atteindre l’efficacité et économiser les ressources. La Presse a également pu constater que les données confidentielles de plusieurs fournisseurs de composantes – capots de motoneige, bras déflecteurs, etc. – ont été proposés à travers des dizaines de fichiers de dessins techniques. Petite consolation pour BRP : certains détails manquent, comme les mesures des pièces. Ce qui limite les dégâts sur le plan de l’ingénierie, selon le professeur agrégé au département de génie mécanique de Polytechnique Montréal Aurelian Vadean, qui a été mis au courant du contenu de certains dossiers à notre demande. “C’est moins dommageable, car il n’y a pas de mesures ou d’indicateurs de tolérance”, explique-t-il. Cependant, il y a des implications du côté du marketing. Le dessin technique d’une housse peut donner une idée de ce à quoi ressemblera la pièce produit. C’est nocif, mais moins du côté de l’ingénierie. » En réponse aux questions de La Presse, BRP s’est dit “au courant des documents” mis en ligne. La société n’a pas fait d’autres commentaires, rappelant que son enquête était “toujours en cours” et que “la situation continue d’évoluer”.

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			20 000 C’est l’effectif mondial de BRP.  La société exploite 11 usines dans six pays. 			    			Source : brp 		  


		Source : brp