franceinfo : De quels problèmes de corrosion parle EDF ? Yves Marignac : Ce sont des problèmes qui touchent l’intérieur des circuits indispensables à la sûreté, notamment celui qui sert à refroidir un réacteur en cas d’urgence. Il s’agit donc d’équipements dont la défaillance est imprévisible. Et la capacité d’EDF à redémarrer les réacteurs nécessite deux choses : la première, c’est de réparer, c’est-à-dire d’avoir les pièces et les opérateurs pour refaire les soudures. Le second est de pouvoir garantir, comme le demande l’Autorité de sûreté nucléaire, qu’une surveillance puisse être réalisée pour détecter une éventuelle récurrence de cette corrosion. A ce jour, EDF n’a pas de processus spécifique pour ce faire. 32 réacteurs français sur 56 sont aujourd’hui à l’arrêt. Cela a-t-il un impact sur la production d’électricité ? Oui, ça a un gros impact. EDF indique que la production d’électricité au cours de l’année sera probablement de 280 térawattheures, alors que la production attendue d’un parc nucléaire français en fonctionnement normal est de 430 térawattheures. Il tombera donc pratiquement à 50 %, ce qui est extrêmement bas et historiquement sans précédent. Cela crée d’énormes problèmes d’approvisionnement en électricité à court terme et surtout de grandes inquiétudes concernant l’approvisionnement cet hiver. Risque-t-on des pannes d’électricité cet hiver ? Tout dépendra des éventuels rhumes, le système électrique français étant très sensible aux besoins de chauffage. Le moindre degré en hiver affecte directement les besoins de production. Il n’y aura donc probablement pas de risque de black-out au sens de black-out total, mais des situations de black-out organisé, pour faire face à une situation de manque momentané d’électricité, sont tout à fait envisageables. Quelles conclusions doit-on tirer de cette situation, selon vous ? La première implication est la dépendance croissante de notre sécurité électrique vis-à-vis d’un parc nucléaire qui connaît un niveau de défaillance historiquement sans précédent, mais qui au fil des années a vu ses performances se dégrader. Il faut donc diversifier notre système électrique, travailler avant tout à la maîtrise des consommations électriques, améliorer les performances de nos équipements et surtout de notre parc immobilier. Il faut aussi développer les énergies renouvelables, car nous n’allons plus dépendre des énergies fossiles. Toutes ces questions sont connues depuis longtemps et les gouvernements successifs ont été laissés pour compte. Il est vraiment urgent d’accélérer la mise en œuvre de cette transition et de sortir de cette dépendance au parc nucléaire qui nous fragilise de plus en plus.