La question se pose d’autant plus que la France connaît un contexte économique difficile. L’inflation approche les 7 %, les prix de l’essence restent élevés malgré la baisse récente. Le président Emmanuel Macron veut aussi “aller plus loin” pour transformer le marché du travail et atteindre le “plein emploi”, avec une nouvelle réforme de l’assurance chômage, la condition du RSA dans l’exercice d’une activité et l’ouverture de négociations sur la réforme de la système de retraite. . Ce climat pourrait-il conduire à des manifestations sociales de masse en septembre ? Nous avons posé la question à Dominique Andolfatto, professeur de sciences politiques et auteur du livre Anatomie du syndicalisme (PUG, 2021) et à Stéphane Sirot, historien spécialiste des mouvements sociaux. À lire aussi : Immigration, crise énergétique, retraites… Que prépare le gouvernement pour la rentrée
“Les Français attendent de voir les résultats de leur vote”
La rentrée 2022 est la première du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron. Et ça pourrait lui faire du bien. “Les mouvements sociaux de grande ampleur qui suivent les grandes élections sont rares”, explique Dominique Andolfatto. Ils ont souvent lieu l’année suivante. Les gilets jaunes, par exemple, ont manifesté en 2018, un an après la première élection d’Emmanuel Macron. » Pourquoi ? “Les Français ont pu s’exprimer deux fois dans les urnes, avec un large choix de candidats”, poursuit le chercheur. La France Populaire a voté massivement en faveur du Rassemblement National, c’est le cas de 45% des ouvriers, c’est important. De leur côté, les ouvriers ont majoritairement voté pour Nupes. » Si les catégories sociales les plus défavorisées ont peu soutenu le président réélu, vont-elles à nouveau afficher cette méfiance dans la rue ? “Ils attendent de voir les résultats de leur vote”, explique-t-il. D’autant que le chef de l’Etat est désormais sans majorité à l’Assemblée nationale. Les Français veulent voir son attitude. »
Le gouvernement a anticipé les défis
L’été 2022 a aussi été marqué par une longue bataille parlementaire pour faire passer la loi “d’urgence” sur le pouvoir d’achat face à la flambée des prix. « Pour avoir un mouvement social efficace, il faut un contexte social et politique favorable. Pourtant, le gouvernement a multiplié les mesures destinées à s’assurer qu’il n’y aura pas d’explosion sociale”, affirme pour sa part Stéphane Sirot. En particulier, le gouvernement a augmenté les prestations sociales et les pensions de 4 % et limité les augmentations de loyer à 3,5 %. D’autant que, sur les questions de salaires et de pouvoir d’achat, les mobilisations mondiales sont rares, confirme l’historienne, car tout le monde n’a pas les mêmes revendications. Pour qu’un mouvement social réussisse, il est nécessaire de trouver des exigences fédératrices. Des revendications comme la montée en puissance du Smic peinent à se mobiliser. Les différends concernant les augmentations de salaire ont tendance à avoir lieu au niveau de l’entreprise. En 2021, des manifestations de gilets jaunes étaient encore organisées le long des routes ou aux ronds-points, comme ici à Trégueux, dans les Côtes-d’Armor, le 16 octobre. | THOMAS BREGARDIS / ARCHIVES OUEST FRANCE Mais selon Stéphane Sirot, « nous ne sommes pas à l’abri du retour d’un mouvement comme les Gilets jaunes. Des mesures de carburant sont prises pour éviter cela, le gouvernement en est conscient. En fait, la réduction sur le carburant a été officiellement prolongée jusqu’à la fin de 2022. A lire aussi : Avantages, avantages… A l’approche de la rentrée, voici les avantages auxquels vous avez droit
La réforme des retraites, l’étincelle ?
Les deux chercheurs supposent donc que les conditions ne sont pas réunies pour qu’un grand mouvement national ait lieu en septembre. A moins que l’exécutif ne soit attaqué, notamment sur la réforme des retraites. “Parler de réformer le système des retraites à la rentrée est un pari risqué pour le gouvernement, explique Stéphane Sirot. D’autant qu’Emmanuel Macron n’a plus la majorité au Parlement et que l’opposition de gauche, les Nupes, a été relancée. C’est peut-être l’étincelle qui enflamme la poussière. Et réveiller les syndicats, dont le pouvoir mobilisateur s’amenuise ces dernières années. “Au niveau national, ils ne sont plus mobilisés. Une seule question mobilise : les retraites. » Un constat partagé par Dominique Andolfatto. “Tout le monde attend que les réformes commencent. Pour vous mobiliser, vous devez trouver un fusible. Et pour l’instant, le fusible, je ne le vois pas. Cela pourrait être la réforme des retraites. Dès lors, “je verrai peut-être plus de mobilisations en novembre-décembre”, prédit le professeur. …