Tumai était-il bipède ? La question est en suspens depuis la découverte, en 2001, d’un crâne vieux de sept millions d’années dans le nord du Tchad. Pour l’équipe de l’expédition paléoanthropologique franco-tchadienne qui l’a découvert, Sahelanthropus tchadensis – dit Toumaï – supplante alors l’Orrorin tugenensis vieux de six millions d’années, découvert au Kenya, comme le plus ancien représentant connu de l’humanité.
La localisation du foramen magnum dans le crâne de Toumaï, qui suggère une colonne vertébrale située sous le crâne plutôt qu’en arrière comme chez un quadrupède, le définit en effet comme un primate bipède. Cependant, de rares experts ont contesté cette conclusion, arguant de l’état incomplet du fossile.
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Une étude, publiée mercredi 24 août dans Nature, basée sur trois ossements appartenant à un individu de l’espèce à laquelle appartenait Toumaï, contribue de manière significative à cette découverte. Elle montre que ce dernier marchait bien sur ses deux jambes il y a sept millions d’années.
“Le crâne nous dit que Sahelanthropus fait partie de la lignée humaine”, a expliqué mardi le paléoanthropologue Franck Guy, l’un des auteurs de l’étude menée par des chercheurs de Palevoprim – le laboratoire d’évolution de l’université de Poitiers. , ainsi que le CNRS en tant qu’universitaires tchadiens. Cette étude démontre que “la bipédie était son mode de locomotion préféré, selon les situations”, a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse.
Bipède, mais pas que
Cette bipédie était “courante, mais pas seulement, avec aussi un peu d’arboréalisme”, autrement dit la capacité de se déplacer dans les arbres. Un héritage de l’ancêtre commun putatif des lignées humaines et chimpanzées.
L’équipe le prouve en étudiant en détail un fémur et deux os de l’avant-bras, le cubitus. Des restes dont nous ne saurons jamais qu’ils appartenaient à l’individu Tumai, mais qui ont été retrouvés sur le site où il a été découvert et appartiennent à ceux d’un humanoïde, de la lignée humaine.
La personne dont les os ont ainsi été étudiés pesait entre 43 et 50 kilogrammes. Le paysage désertique dénudé qui abrite aujourd’hui les vestiges des forêts mixtes de palmiers et de savane humide de son temps. Un cadre qui favorise à la fois la marche et le quadrupède « méfiant » dans les frondaisons.
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Les scientifiques de l’expédition franco-chancelière ont étudié ses ossements pendant plusieurs années. Ils ont identifié vingt-trois caractéristiques morphologiques et fonctionnelles, qu’ils ont comparées à celles d’autres hominidés et grands singes existants et fossiles.
Leur conclusion est que “l’ensemble de ces traits de caractère est beaucoup plus proche de ce que l’on verrait chez un hominidé que chez n’importe quel autre primate”, a déclaré Guillaume Daver, paléoanthropologue du groupe Palevoprim et premier auteur de l’étude, dans la presse. conférence. . Par exemple, à l’aide du quadrupède, un gorille ou un chimpanzé, cousin le plus proche de l’homme, avance en s’appuyant sur le dos des phalanges de la main, ce que l’on ne voit pas chez Sahelanthropus.
« Une image plus complète de Toumaï »
L’étude fournit ainsi “une image plus complète de Tumai, et in fine des premiers humains”, a relevé le paléoanthropologue Antoine Balzeau, du Muséum national d’histoire naturelle, saluant un travail “extrêmement conséquent”. Cette étude apporte des arguments supplémentaires aux tenants d’une évolution « touffue » de la lignée humaine, aux ramifications multiples, par opposition à une « image simpliste d’humains se succédant, avec des capacités améliorées au fil du temps », note-t-il M. Balzeau. Ce qui a rendu Sahelanthropus humain, c’est sa capacité à s’adapter à un environnement donné, selon les chercheurs de Palevoprim, qui ont souligné l’importance de ne pas voir dans la bipédie un “trait magique” définissant strictement l’humanité. Dans un article accompagnant l’étude, Daniel Lieberman, professeur de biologie évolutive à Harvard, estime qu’elle n’offre pas encore de “solution définitive” à la question de la nature de Toumaï. L’équipe de Palevoprim prévoit de poursuivre ses recherches au Tchad au printemps prochain, “si la sécurité le permet”, a précisé M. Guy. Comme le souligne la paléontologue tchadienne Clarisse Nekoulnang du Centre national de recherche et de développement, les équipes du site « tentent de retrouver des sites plus anciens que Toumaï ». Le monde avec l’AFP